Les œuvres de Laurence Aëgerter combinent l’appropriation, la traduction et le déplacement poétique pour interroger le pouvoir signifiant des images qui inconsciemment nous précèdent, nous suivent, nous entourent et nous dépassent. Elle interroge nos réalités à travers le prisme des sciences humaines, de l’histoire, de l’histoire de l’art, de la psychologie, de la neurologie et de l’iconographie. La série “Cathédrales” (2014) est basée sur un livre des années 1950, Cathédrales et églises de France. L’artiste photographie l’une des images figurant dans le livre, celle de la cathédrale gothique de Bourges, dans son atelier, selon un protocole précis : toutes les minutes pendant deux heures, Aëgerter capte le mouvement du soleil et les ombres projetées par les fenêtres, obscurcissant progressivement l’image jusqu’à ce qu’elle devienne invisible. La série de 126 clichés, également publiée sous forme de livre d’artiste, engage le spectateur dans un exercice de contemplation et de patience. “Les Cathédrales hermétiques” (2016-19) s’appuie sur cette série. Aëgerter se concentre sur les intérieurs, de la cathédrale romane de Saint-Benoît-sur-Loire à la cathédrale gothique de Coutances, en passant par la plus moderne Sainte-Jeanne-d’Arc à Nice et les trois sœurs provençales de l’architecture cistercienne : Sénanque, Silcacane et Le Thoronet.

Imprimées et sérigraphiées avec une encre thermoréactive, les images se révèlent au contact des rayons du soleil. La chaleur pénètre la matière pour mieux la révéler : la chambre noire existe en plein jour. Dans cet hommage à la majestueuse série des Cathédrales de Claude Monet, dont les trente motifs peints entre 1892 et 1893 offrent une expérience très plastique de la lumière, Aëgerter puise dans l’histoire de l’art et de l’architecture, ainsi que dans celle de la technique photographique. La perception du temps est appréhendée à travers une expérience vivante de la lumière et de la matière, où la fugacité de l’instant présent se confronte à l’immuabilité du passé.

Dans les années 1990, Aëgerter a obtenu deux doctorats en histoire de l’art. En 2005, elle est diplômée de l’Académie Gerrit Rietveld en arts visuels. Depuis, son travail a été exposé aux Rencontres d’Arles, à la BNF, au Guggenheim Bilbao, au Musée du Petit Palais, au Museum van de Geest à Haarlem, etc. Elle est lauréate du prix du livre des Rencontres d’Arles, de la commande nationale de photographie du CNAP et du ministère de la culture, et d’autres prix. Ses œuvres font partie des collections du MoMA, du Getty Research Institute, de la New York Public Library, de la BnF, du CNAP, du musée de la photographie de Rotterdam, etc. Aëgerter prépare actuellement une exposition 2025 dans le cadre de la Carte Blanche de la photographie au Centre des Monuments Nationaux en France.

Depuis 2010, la Galerie Binome (Le Marais, Paris) est spécialisée dans la photographie contemporaine. Sa programmation d’expositions et sa participation à de nombreuses foires internationales mettent en avant des artistes établis et émergents de l’art contemporain explorant les frontières conceptuelles et formelles du médium. En quête de nouvelles formes en photographie et s’intéressant aux expérimentations sur la matérialité et les supports de l’image, la sélection des œuvres établit notamment des dialogues avec la sculpture et le dessin, ou avec des matériaux traditionnels comme la céramique et le textile. La définition et l’élargissement du champ photographique sont au cœur des réflexions menées par la galerie. Membre du Comité professionnel des galeries d’art, la Galerie Binome développe de nombreuses collaborations avec des personnalités du monde de l’art et de la photographie, commissaires d’exposition, institutions privées et publiques. En 2023, sa directrice Valérie Cazin est nommée au comité de sélection de Paris Photo.